" Ma chère Madeleine ,
hier j'ai mis l'atelier sur une petite nature morte avec des pommes, j'avais installé un groupe de pommes par élève . A la fin de la séances , il me restait donc beaucoup de pommes flétrissant doucement car beaucoup étaient coupées.
Ma bonne Thérèse , la servante au grand coeur dont vous étiez jalouse, me dit :" maitre , nous n'allons pas jeter toutes ces pommes , les temps sont durs, je vais faire une compote " . Elle me servit le soir , au dessert, une merveilleuse compote à la canelle qui me mit dans un tel état d'euphorie que j'invitai Thérèse à venir la déguster avec moi , au coin du feu...
Il serait bon , Madeleine , d'écourter quelque peu votre cure, afin que cette complicité nouvelle entre maitre et servante ne devienne pas une habitude ...
votre Gaspard
Lettre de Gaspard Delmotte à sa femme, février 1903
samedi 14 janvier 2012
jeudi 12 janvier 2012
dimanche 8 janvier 2012
De la couleur!... de la couleur!...
Un beau jour , dans l 'atelier ,un groupe d'élèves acquis aux idées nouvelles commencèrent à discuter du rôle de la couleur en peinture... Et de la couleur par çi , et de la couleur par là... J'eus beau leur expliquer que la couleur n'existait pas en elle-même, que tout n'était que rapports de nuances, que la couleur et la "valeur" étaient en dialogue depuis les débuts de la peinture pour créer la lumière et l'espace , que sans les valeurs la perspective spaciale n'existait plus... Enfin ce que j'avais appris de mes maitres.
Ils continuèrent à me chauffer les oreilles pendant des semaines avec leur histoire de "couleur pure" ...
N'y tenant plus , je pris une toile vierge et je commençais devant leurs yeux médusés à exécuter une oeuvre sans queue ni tête : Vous voulez de la couleur ? vous allez en avoir de la couleur !
Je fis une sorte d'homme barbu fumant la pipe, j'y mis mes couleurs les plus violentes, j'étais hors de moi , j'entendis derrière moi des réflexions : " on dirait un fauve en cage .... Qu'est-ce qu'il lui prend ? On ne l'a jamais vu ainsi ...
Mes pinceaux labouraient la toile lourdement, fini les glacis précieux , les ombres subtiles , je plaquais sur le côté du visage un gris bleu uni , tout le contraire de ce que j'aurais fait dans mon état normal ... Je transpirais de colère , mon teint sanguin était à l'image de ce que je faisais .
Un élève effrayé murmura : " Maitre , mais d'où vous vient cette inspiration ? " ... Et moi , outré que l'on puisse qualifier ce geste de colère "d'inspiration", de répondre : " De rien ! , cette inspiration ne vient de rien ! c 'est du néant , j'ai fait n'importe quoi ! ça vient de rien ,de rien ! de rien ! et pour clore la démonstration je voulus signer :" De rien", mais ma main glissa un peu et sur la toile celà donna une sorte de " Derain"....
Toujours furieux je ne corrigeais pas et je plantai là tout l'atelier pour sortir sur le boulevard et aller boire une absinthe .
Au revenir , tout le monde était parti . Même la toile avait disparu . Quelqu'un l'avait emportée .... "Grand bien lui fasse!" me dis-je, " je doute que quiconque puisse en faire le moindre commerce "...
Extrait inédit du journal de Gaspard Delmotte retrouvé aux archives de l'Indre par son arrière petit fils Xavier-François Delmotte , auteur de la thèse : " Gaspard "D", un peintre sans oeuvre" . Edition du Chanvre 1996
Ils continuèrent à me chauffer les oreilles pendant des semaines avec leur histoire de "couleur pure" ...
N'y tenant plus , je pris une toile vierge et je commençais devant leurs yeux médusés à exécuter une oeuvre sans queue ni tête : Vous voulez de la couleur ? vous allez en avoir de la couleur !
Je fis une sorte d'homme barbu fumant la pipe, j'y mis mes couleurs les plus violentes, j'étais hors de moi , j'entendis derrière moi des réflexions : " on dirait un fauve en cage .... Qu'est-ce qu'il lui prend ? On ne l'a jamais vu ainsi ...
Mes pinceaux labouraient la toile lourdement, fini les glacis précieux , les ombres subtiles , je plaquais sur le côté du visage un gris bleu uni , tout le contraire de ce que j'aurais fait dans mon état normal ... Je transpirais de colère , mon teint sanguin était à l'image de ce que je faisais .
Un élève effrayé murmura : " Maitre , mais d'où vous vient cette inspiration ? " ... Et moi , outré que l'on puisse qualifier ce geste de colère "d'inspiration", de répondre : " De rien ! , cette inspiration ne vient de rien ! c 'est du néant , j'ai fait n'importe quoi ! ça vient de rien ,de rien ! de rien ! et pour clore la démonstration je voulus signer :" De rien", mais ma main glissa un peu et sur la toile celà donna une sorte de " Derain"....
Toujours furieux je ne corrigeais pas et je plantai là tout l'atelier pour sortir sur le boulevard et aller boire une absinthe .
Au revenir , tout le monde était parti . Même la toile avait disparu . Quelqu'un l'avait emportée .... "Grand bien lui fasse!" me dis-je, " je doute que quiconque puisse en faire le moindre commerce "...
Extrait inédit du journal de Gaspard Delmotte retrouvé aux archives de l'Indre par son arrière petit fils Xavier-François Delmotte , auteur de la thèse : " Gaspard "D", un peintre sans oeuvre" . Edition du Chanvre 1996
jeudi 5 janvier 2012
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